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La génération perdue de Roumanie : la crise cachée de la jeunesse en Europe

Essais - novembre 16, 2025

Imaginez un jeune homme dynamique de 22 ans qui vient de terminer ses études secondaires à Bucarest et qui cherche du travail sur des sites web étrangement silencieux. Pas de rappel, pas d’entretien, juste un grand nombre d’annonces pour des emplois mal payés qui permettent à peine de payer le loyer. Il ne s’agit pas d’un roman dystopique. C’est la vie quotidienne de centaines de milliers de jeunes Roumains qui sont coincés dans le pire cauchemar du chômage en Europe.

À la mi-2025, la Roumanie aura le taux de chômage des jeunes le plus élevé de l’UE, avec 25,3 % de personnes de moins de 25 ans sans emploi, soit près du double de la moyenne de l’Union (14,8 %).

Les jeunes professionnels de Berlin se portent bien et les start-ups d’Amsterdam sont en pleine effervescence, mais les rêveurs roumains sont laissés pour compte, ce qui provoque un exode silencieux qui vide le pays de ses ressources. Les chiffres racontent une triste histoire. Selon Eurostat, le taux de chômage des jeunes en Roumanie a atteint 23,9 % à la fin de 2024 et est resté élevé jusqu’en 2025, dépassant même celui de la Suède, qui était de 24,6 % à l’époque.

Mais ce sont les NEET, qui ne sont ni à l’école, ni au travail, ni en formation, qui constituent la réalité. Le taux roumain pour les personnes âgées de 15 à 29 ans est supérieur à celui de l’UE, qui est de 11 %. Dans la région du Sud-Est, par exemple, 29,9 % des jeunes sont perdus, soit un sur trois.

La situation des jeunes femmes est pire, avec des taux de NEET atteignant 37,7 % dans certaines régions, soit 2,1 points de plus que les hommes.

Ce ne sont pas que des chiffres, ce sont des avenirs volés, des codeurs qui travaillent gratuitement sur Fiverr aux artistes qui dessinent des rêves remis à plus tard. Pire encore, la crise touche les écoles, où les adolescents abandonnent leurs études comme s’il s’agissait de la dernière tendance. En Roumanie, 16,8 % des élèves quittent prématurément l’école, soit près de deux fois plus que dans l’Union européenne (9,4 %). 32 % des jeunes de 15 à 19 ans ne suivent aucune formation formelle, contre 16 % dans l’OCDE.

Seuls 23,2 % des jeunes adultes sont diplômés de l’enseignement supérieur, soit la moitié des 44,1 % de l’UE et le taux le plus bas de l’Union.

En 2024-2025, seuls 568 600 étudiants étaient inscrits dans un programme d’enseignement supérieur, et seuls 10 % des 25-29 ans ont pris la peine de le poursuivre. Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux de la Pologne ou de la Hongrie. La faute à un système défaillant qui produit des diplômés « qualifiés sur papier » qui ne sont pas prêts pour les emplois d’aujourd’hui, à des programmes d’études qui ne suivent pas l’essor des technologies et à un épuisement post-pandémique où les TikTok battent les manuels. Selon un rapport de l’OCDE, l’éducation en Roumanie est de moins en moins un « moyen de sortir de la pauvreté ».

Ce désengagement n’est pas le fait d’une seule personne ; il s’agit d’une poudrière pour l’implosion de la main-d’œuvre roumaine et la fuite des cerveaux. Les paradis de l’OCDE comme l’Allemagne retirent 244 000 personnes du pays chaque année (36 % des migrants), volant les infirmières, les ingénieurs et les innovateurs qui auraient pu accélérer la croissance locale.

Plus de la moitié des jeunes Roumains souhaitent quitter le pays pour plus de six mois en raison des bas salaires (800 euros par mois en moyenne, contre 2 000 euros à l’Ouest) et de l’instabilité de l’économie.

La Roumanie est le troisième pays de l’UE à connaître la plus forte perte de population, en raison d’un faible taux de natalité, du vieillissement de la population et du départ des habitants du pays. Ainsi, 63 % des personnes en âge de travailler sont sans emploi, contre 70 % dans l’OCDE.

C’est un cercle vicieux : les jeunes sans emploi créent des familles instables, ce qui vide les villages et fait payer à l’UE les coûts de l’aide sociale roumaine, tandis que l’Allemagne s’approprie tous les talents. Cette situation est similaire à l’effondrement de la Grèce dans les années 2010 ou au malaise de l’Italie dans les années 2000, mais la taille de la Roumanie la rend plus urgente. Les fonds de cohésion de l’UE continuent d’arriver, mais sans changements dans la formation professionnelle, les efforts de lutte contre la corruption et les centres de jeunesse, l’hémorragie continue.

La Roumanie ne perd pas seulement des habitants, elle perd aussi du potentiel, ce qui pourrait nuire au flanc oriental de l’Europe pendant longtemps. Bruxelles et Bucarest se réveilleront-ils avant que la génération perdue ne devienne la plus grande erreur de l’Europe ?