Alors que les pays européens entrent dans une phase plus conservatrice, de nombreux partis sociaux-démocrates se trouvent dans une situation difficile. Ils comprennent que de nombreux électeurs souhaitent des politiques plus conservatrices. Mais en même temps, ils doivent prendre leurs distances avec les partis de droite qui proposent précisément de telles politiques. Les partis socialistes doivent donc s’adapter dans une certaine mesure à une nouvelle vision de l’immigration et de la prévention de la criminalité, mais ils doivent aussi montrer aux électeurs qu’ils sont autre chose que simplement conservateurs.
En Suède, cela devient évident lorsque le grand parti social-démocrate se tourne vers les libéraux conservateurs modérés et propose une coopération de dix ans sur le crime organisé.
Le contexte est le suivant : la Suède a connu pendant longtemps une immigration presque incontrôlée. Les gens étaient attirés par la Suède parce qu’il était facile d’obtenir un permis de séjour, soit pour des raisons de réfugiés, soit pour travailler. Il était également facile de profiter rapidement du système de protection sociale mis en place pour les citoyens suédois, mais auquel les ressortissants d’autres pays avaient également accès dès qu’ils obtenaient le droit de rester dans le pays.
La plupart des gens reconnaissent aujourd’hui que l’immigration excessive a largement contribué aux niveaux sans précédent de criminalité organisée en Suède. Depuis 2022, la Suède a un gouvernement de droite et de centre-droit qui reprend le contrôle de l’immigration, durcit sérieusement les sanctions et donne de nouveaux outils à la police. Plusieurs mesures sont désormais prises pour aider la société suédoise à surmonter la criminalité organisée et souvent mortelle qui sévit dans le pays depuis une vingtaine d’années et dont la brutalité s’est accrue au cours des cinq dernières années.
Le problème des sociaux-démocrates est qu’ils veulent également montrer aux électeurs qu’ils prennent la criminalité au sérieux. Ils ne veulent pas apparaître comme des « laxistes » alors que ce sont les partis de droite qui sauvent le pays de criminels impitoyables.
Mais le problème est que les petits partis de gauche avec lesquels les sociaux-démocrates veulent former un gouvernement après les élections de l’automne prochain ne sont pas du tout intéressés par la répression de la criminalité. Ces partis vivent encore dans le rêve progressiste de la bonté inhérente à tous les êtres humains. Mais cette vision n’est plus partagée par la plupart des Suédois. Et ce n’est plus en étant progressiste que l’on gagne des élections en Suède.
Que font alors les sociaux-démocrates ? Ils proposent qu’eux-mêmes et les modérés libéraux-conservateurs forment un pacte de dix ans contre la criminalité des gangs. C’est nécessaire, disent-ils, pour créer une continuité dans la lutte contre la criminalité. Nous devons être persévérants, disent-ils. Nous devons avoir une stratégie ferme, que ce soit la droite ou la gauche qui soit au pouvoir.
Qu’est-ce que cela signifie, sinon que les sociaux-démocrates savent qu’ils ne pourront jamais mener à bien les nouvelles politiques mises en place avec l’aide des partis de droite s’ils accèdent eux-mêmes au pouvoir ? Ils sont coincés avec leurs amis progressistes de l’ancien « Parti de gauche » communiste et du Parti vert.
Mais l’invitation des sociaux-démocrates aux modérés a également pour but de neutraliser le nouveau grand parti social-conservateur de droite : les Démocrates de Suède. Pour les sociaux-démocrates, les Démocrates de Suède sont un adversaire bien plus dangereux que les modérés libéraux conservateurs, car ce nouveau parti conservateur s’empare des électeurs de la classe ouvrière qui votaient auparavant pour les sociaux-démocrates.
Et ce sont précisément les Démocrates de Suède qui ont poussé la politique suédoise vers la droite en se développant rapidement et en remettant en question la pensée de gauche qui était auparavant si dominante en Suède. Ce sont les démocrates suédois qui ont été les premiers à affirmer que la Suède devait réguler son immigration. Ce sont les Démocrates de Suède qui ont déterminé que la Suède avait besoin d’une nouvelle politique pénale. Et ce sont maintenant les Démocrates de Suède qui montrent la voie à l’alliance de droite qui gouverne la Suède depuis 2022.
Les sociaux-démocrates comprennent que les démocrates suédois avaient raison. Mais ils ne peuvent pas l’admettre. Ils ne veulent pas non plus donner aux démocrates suédois la légitimité politique qui consisterait à les inviter à collaborer.
Ils proposent donc aux modérés et aux sociaux-démocrates d’établir un pacte décennal pour une nouvelle politique criminelle afin de pouvoir mener la politique conservatrice souhaitée par les électeurs et de neutraliser en même temps le parti – les Démocrates de Suède – qui a jusqu’à présent défendu cette politique.
Les modérés accepteront-ils un tel pacte ? Difficilement. Ils savent que leurs électeurs ne leur pardonneraient pas. Tous les modérés n’apprécient pas la collaboration avec les démocrates suédois, mais beaucoup plus nombreux sont ceux qui désapprouveraient une collaboration formelle avec les sociaux-démocrates.