En décembre, au cœur de Rome, la politique italienne passera à nouveau par le Château Saint-Ange. Du 6 au 14 décembre, une nouvelle édition de l’Atreju, le festival historique de la droite italienne, aura lieu : neuf jours de débats, de politique et de militantisme qui sont désormais devenus un rendez-vous fixe non seulement pour Fratelli d’Italia, mais aussi pour l’ensemble du système politique national.
Ce festival, né de l’intuition d’une poignée de jeunes militants, est devenu au fil du temps le lieu où la droite appelle tout le monde à débattre.
Atreju, le festival qui a obligé tout le monde à se montrer
L’Atreju a été créé en 1998 en tant qu’événement de l’Azione Giovani, l’aile jeunesse de l’Alleanza Nazionale. C’est le festival des jeunes de droite, mais c’est surtout le festival où, chaque année, la droite décide d’inviter « dans sa propre maison » même ceux qui pensent le contraire.
Au fil des ans, presque tout le monde est monté sur la scène de l’Atreju : Giuseppe Conte, invité à plusieurs reprises, même lorsqu’il était Premier ministre, s’exprimant devant un public clairement acquis à l’opposition ; Matteo Renzi, Enrico Letta, Luigi Di Maio, invités en 2021 pour débattre avec la droite des réformes institutionnelles, de l’économie, de l’Europe, dans une édition qui réunissait tout le spectre politique italien dans un même espace. Mais aussi des leaders de la gauche « historique » comme Romano Prodi et Fausto Bertinotti.
C’est une différence culturelle et politique profonde par rapport aux festivals traditionnels de la gauche, où les opposants sont de moins en moins invités, et seulement lorsqu’ils servent le récit de l' »ennemi ». L’Atreju, au contraire, a construit sa force précisément sur l’idée inverse : mettre tout le monde sur scène et voir qui peut résister à la pression.
Castel Sant’Angelo, du 6 au 14 décembre : les portes ouvertes de la droite
L’édition 2025 confirme et fait monter les enchères. Neuf jours consécutifs, du 6 au 14 décembre, dans les jardins du
Mais le point politique – et de communication – reste le même, comme le répètent sans cesse les dirigeants de Fratelli d’Italia :
« L
‘Atreju est le lieu où les opposants se rencontrent, dans le respect mais sans se prendre la tête sur les idées
« .
C’est sur ce terrain que se déroule le nouveau chapitre de l’affrontement entre Meloni et Schlein.
Le mouvement de Schlein : « Je ne viendrai que si je peux défier Meloni »
Après avoir refusé l’invitation lors des dernières éditions, Elly Schlein change d’approche cette année. L’invitation de Fratelli d’Italia arrive à nouveau et cette fois, du Nazareno, une certaine volonté se dégage : la secrétaire du Parti Démocrate est prête à monter sur la scène de l’Atreju, mais à une condition.
Schlein ne veut pas être une invitée de plus dans une longue liste de débats ; elle exige un « ring » en tête-à-tête avec le premier ministre. Un choix qui a sa propre logique : à un moment où l’opposition est divisée et où le « camp large » tant annoncé n’existe pas, le PD tente de faire d’Atreju une sorte de duel présidentiel entre elle et Meloni.
La contre-attaque de Meloni : « Je suis prêt, mais Conte doit aussi être à la table »
La première ministre ne refuse pas, ne s’enfuit pas et n’abaisse pas la barre. Elle l’élève.
Dans un message destiné aux médias sociaux, Giorgia Meloni écrit :
« Je lis qu’Elly Schlein a finalement accepté l’invitation de Fratelli d’Italia à participer à l’Atreju, mais seulement dans le cas d’un débat direct avec moi. L’Atreju a toujours été une maison ouverte au dialogue, même avec ceux qui pensent différemment. Je suis donc prêt à débattre avec l’opposition. Mais je crois que Giuseppe Conte devrait également participer au débat.
Meloni ne se contente pas d’accepter le défi d’un débat, elle en élargit également le cadre : il ne s’agit pas d’un duel taillé sur mesure pour couronner Schlein en tant que « chef de l’opposition », mais d’un débat à trois auquel participerait également le chef du Mouvement 5 étoiles.
Le premier ministre explique également pourquoi : Conte, contrairement à Schlein, s’est déjà rendu plusieurs fois à l’Atreju, « sans poser de conditions », même lorsqu’il était Premier ministre, et surtout ce n’est pas au gouvernement de décider qui est le chef de l’opposition.
Résultat : le « duel » télévisé se transforme en une confrontation à l’échelle du système, dans laquelle l’opposition doit se présenter pour ce qu’elle est réellement aujourd’hui – non pas une opposition, mais de multiples oppositions, avec des positions différentes et souvent incompatibles sur l’Ukraine, la politique économique, la justice, l’Europe.
Le boomerang pour Schlein : la seule chose qui tient l’opposition est le « non à Meloni »
À ce moment-là, la balle est dans le camp du policier. Et c’est là que le court-circuit se produit.
Giuseppe Conte répond immédiatement par l’affirmative : « Je suis toujours d’accord pour débattre et dire les choses telles qu’elles sont. Je n’ai pas l’intention de faire marche arrière. J’en suis ! » – confirmant sa présence à l’Atreju même après la retraite du secrétaire démocrate, Schlein se raidit.
Face à la perspective de partager la scène avec Meloni et Conte, le leader du PD change de ton et accuse le Premier ministre de « fuir » une rencontre en tête-à-tête.
Mais c’est précisément sur ce point que l’action de Meloni montre toute son efficacité. Le Premier ministre a accepté le débat, l’a élargi et a en fait reconnu que l’opposition est plurielle et ne peut être réduite au seul secrétaire du PD. Ce faisant, elle a placé Schlein devant un carrefour : accepter de s’asseoir à une table où l’opposition apparaît divisée sur le fond, ou reculer en prenant sur elle la responsabilité politique de faire exploser tout le débat.
Finalement, dans la pratique, le débat à trois n’aura pas lieu : Schlein se retire, Conte confirme qu’il sera présent, Meloni reste sur ses positions. Et le récit qui s’impose dans l’opinion publique est simple : ce n’est pas la droite qui a esquivé le débat, mais ceux qui ont voulu décider seuls du format et du cadre de la discussion.
Atreju a encore de l’importance
Lorsque les lumières du village du Castel Sant’Angelo seront allumées en décembre, l’Atreju recommencera à faire ce qu’elle fait depuis 1998 : mettre le droit au centre du jeu et obliger tous les autres à décider s’ils entrent sur le terrain ou s’ils restent dans les tribunes à protester.
Cette année, le choix d’Elly Schlein et la réponse de Giorgia Meloni ont déjà permis de dresser un tableau très clair : d’un côté, un gouvernement qui utilise son propre festival comme lieu de débat ouvert – voire « inconfortable » – avec ses opposants ; de l’autre, une opposition qui, lorsqu’elle ne maîtrise pas totalement le terrain, préfère se retirer.
Et dans une saison où les Italiens demandent du sérieux, de la cohérence et de la vision, ce n’est pas un détail que le festival de la droite – au Château Sant’Angelo, au cœur de Rome – continue d’être le lieu où tout le monde est invité. Ceux qui décident de ne pas venir doivent en assumer la responsabilité. Devant les fidèles du parti, mais surtout devant le pays.