
A la fin de cette semaine, les citoyens de la République de Moldavie sont appelés aux urnes pour élire leur futur Parlement, dont la composition future décidera si le pays suivra la voie pro-européenne voulue par la Présidente Maia Sandu ou retournera dans le passé, sous le parapluie de la Fédération de Russie. On peut dire sans hésiter que les élections en République de Moldavie sont à la croisée des chemins : L’Europe ou l’influence russe. Le référendum sur l’adhésion à l’Union européenne et les élections présidentielles ont montré que la majorité des citoyens moldaves souhaitent une vie meilleure et des valeurs européennes. Cependant, la propagande russe a divisé le pays en deux, c’est pourquoi il est difficile de prédire le résultat des élections de l’autre côté de la rivière Prut. Ce qui est certain, c’est que le résultat des élections du 28 septembre déterminera non seulement l’avenir de la Moldavie, mais affectera aussi directement ses relations avec la Roumanie et l’Ukraine. La plupart des analystes politiques affirment que ces élections sont cruciales pour le destin de la Moldavie, car une victoire des partis pro-russes signifierait un Parlement hostile à l’Union européenne et un gouvernement instable, ce qui retarderait d’au moins une génération l’union de la République de Moldavie avec la Roumanie au sein de l’Union européenne. Comme ce fut le cas l’année dernière lors des élections en Roumanie, il est bien connu que la Moldavie subit depuis longtemps des attaques hybrides intenses de la part de la Fédération de Russie et des pressions constantes de la part des politiciens pro-russes à l’intérieur du pays. C’est pourquoi une victoire des pro-russes signifierait effectivement un leadership sous l’influence directe du Kremlin. D’un autre côté, une victoire pro-européenne représente une opportunité historique d’augmenter le niveau de vie des citoyens ordinaires en accédant aux fonds de pré-adhésion et, pourquoi pas, une chance réelle pour la République de Moldavie de devenir un membre à part entière de l’Union européenne dans les 4 à 5 prochaines années.
La Moldavie à la croisée des chemins : entre pressions géopolitiques et choix d’un avenir européen
Comme indiqué plus haut, les élections parlementaires du 28 septembre sont décrites par les analystes comme les plus importantes de l’histoire post-URSS de la République de Moldavie. L’atmosphère générale parmi les citoyens concernant cette élection n’est pas celle d’une compétition électorale normale, mais celle d’une confrontation entre deux idéologies. L’idéologie de la Fédération de Russie, avec sa tradition d’influence sur les pays de l’ancien espace soviétique, considère Chisinau comme une pièce stratégique d’un puzzle qu’il ne faut pas perdre. De leur côté, les représentants de l’Union européenne veulent maintenir la Moldavie sur la voie qu’elle a entamée il y a quelques années, à savoir celle de l’intégration dans la famille européenne et de la modernisation. C’est précisément pour cette raison que l’on peut dire que le vote de fin septembre ne concerne pas seulement les partis, les dirigeants et leurs promesses électorales, mais le destin géopolitique d’un petit pays pris entre le marteau et l’enclume depuis plus de trois décennies, entre deux grandes puissances : l’Ouest, avec ses promesses d’une vie meilleure, et l’Est, avec l’idéologie communiste de la « Grande Ourse » de l’Est.
Les dirigeants politiques de Chișinău considèrent cet énorme enjeu que représente la future majorité parlementaire comme un « moment extrêmement dangereux », dans lequel la Moldavie pourrait devenir un terrain d’essai pour les principales puissances européennes. Même parmi les citoyens ordinaires, les discussions sur l’avenir de la Moldavie ne sont plus de simples réflexions sur la vie quotidienne, mais s’entremêlent avec des questions sur la paix, la sécurité et l’identité nationale.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, la République de Moldavie a proclamé son indépendance en 1991, mais la rupture avec Moscou n’a pas été totale, comme l’ont fait d’autres pays de l’ancien bloc soviétique. Le début des années 1990 a été marqué par l’instabilité politique et économique, et la classe politique n’a cessé de repousser le choix d’une orientation claire en matière de politique étrangère. Au cours des 30 dernières années, la Moldavie a été tiraillée entre le regard tourné vers l’Est et le rêve d’une vie meilleure au sein de l’UE, un équilibre qui a façonné l’histoire récente du pays. Les liens économiques et culturels, et en particulier la dépendance énergétique à l’égard de la Fédération de Russie, sont restés forts dans les années qui ont suivi la déclaration d’indépendance. Le meilleur exemple des difficultés à se détacher de l’influence russe a été le conflit en Transnistrie, qui a montré la fragilité de la construction d’un nouvel État. Pendant tout ce temps, la Roumanie, le « grand frère » de la Moldavie, est devenue un partenaire stratégique, non seulement par sa proximité géographique, mais aussi par ses liens historiques et culturels et, plus récemment, par l’aide économique qu’elle apporte à la Moldavie.
Relations avec la Roumanie et l’Ukraine après 1991
Quelques heures seulement après la proclamation, la Roumanie a été le premier État à reconnaître l’indépendance de la République de Moldavie. Dans les années qui ont suivi, les relations bilatérales ont été en dents de scie. Parfois, les dirigeants de Bucarest étaient perçus comme les défenseurs de Chisinau à Bruxelles, tandis qu’à d’autres moments, en raison de divergences politiques internes, les relations se refroidissaient. Néanmoins, la Roumanie est restée le principal soutien de l’intégration européenne de la Moldavie, offrant des bourses aux étudiants, une aide économique et un soutien diplomatique constant aux citoyens moldaves. L’Ukraine, le voisin oriental de la Moldavie, revêt également une importance stratégique pour Chișinău. Après avoir déclaré leur indépendance en 1991, les deux pays ont signé des traités de coopération et ont connu des périodes de bonne collaboration. Cependant, il y a également eu des tensions concernant la frontière sur la rivière Dniester et les droits des communautés minoritaires. L’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014 et l’invasion qui a débuté en 2022 ont radicalement changé la situation à la frontière orientale de l’UE. La sécurité de la Moldavie est devenue extrêmement fragile, le pays étant pris en étau entre le front ukrainien et la pression constante de la Russie. Avec peu de ressources naturelles, la République de Moldavie lutte pour sa survie depuis plus de trois décennies, et la transition vers le rêve européen devient de plus en plus difficile. Avec une population estimée à environ 2,5 millions d’habitants en 2025, la Moldavie reste l’un des pays les plus pauvres du vieux continent. En raison des migrations massives, la population du pays ne cesse de diminuer. Des centaines de milliers de Moldaves ont choisi l’exil économique, finissant par travailler dans des pays de l’UE comme l’Italie, la France et l’Allemagne, et l’argent qu’ils envoient chez eux est un pilier important de l’économie.
Le niveau de vie en Moldavie est bien inférieur à celui des États membres de l’Union européenne. Le salaire moyen en Moldavie est à peine supérieur à 800 euros, soit beaucoup moins qu’en Roumanie ou en Pologne, des pays qui ont connu des transformations similaires après 1990. De même, la pension moyenne d’un citoyen moldave, même si elle a augmenté ces dernières années, reste insuffisante pour faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie et de l’alimentation. Cependant, l’économie de la Moldavie a également montré des signes de progrès. Ces dernières années, les gouvernements pro-européens ont tenté d’attirer les investissements, de réformer le système judiciaire et de créer un climat plus prévisible afin d’entamer les négociations d’adhésion. Bien que le processus soit lent et compliqué, de plus en plus de citoyens considèrent le rapprochement avec l’Union européenne comme la seule voie vers la modernisation et la stabilité.
Des élections décisives dans une démocratie fragile
Dans ce contexte, les élections qui se tiendront à la fin de cette semaine revêtent une importance majeure. L’enjeu des élections législatives n’est pas seulement de savoir qui dirigera le gouvernement, mais aussi de savoir si la Moldavie continuera sur la voie de l’intégration européenne ou si elle sera ramenée dans la sphère d’influence du Kremlin.
Pour certains citoyens de la république, l’Union européenne signifie la liberté de travailler partout et l’espoir d’une vie meilleure. Pour d’autres, les liens avec la Fédération de Russie sont toujours synonymes de stabilité, de culture et d’identité. Selon les chiffres officiels, le nombre de personnes ayant le droit de vote est d’environ 2,8 millions, mais le taux de participation est toujours imprévisible, surtout parmi ceux qui vivent et travaillent à l’étranger. Les votes des Moldaves de l’étranger ont déjà fait pencher la balance lors d’élections précédentes, lorsque Maia Sandu a été élue présidente de la République de Moldavie, confirmant une fois de plus l’importance de la communauté à l’étranger.
Le paysage politique de la République de Moldavie est loin d’être simple, la scène politique moldave étant extrêmement fragmentée. Au fil des ans, les partis politiques sont apparus et ont disparu, ont formé des alliances éphémères et ont provoqué des crises gouvernementales année après année. Les élections du 28 septembre mettent une nouvelle fois en évidence cette fragmentation. La compétition électorale comprend à la fois des partis pro-européens et des forces proches de Moscou, ainsi que des politiciens qui tentent de se présenter comme la « voix du peuple » avec un discours anti-establishment. Cette fragmentation ne peut être considérée comme une simple coïncidence, car la République de Moldavie est un pays où les identités se chevauchent et se contredisent : langues roumaine et russe, culture occidentale et héritage soviétique, aspirations pro-européennes et nostalgie de l’Est. Les hommes politiques ont exploité ces divisions, chacun essayant de gagner des électeurs fidèles aux idées qu’il promeut.
Un célèbre dirigeant politique qui s’est fait connaître par son style direct et controversé affirme que la Moldavie risque de devenir un « terrain de jeu » pour les grandes puissances. Selon lui, les gens ordinaires restent les victimes d’une bataille qui se déroule non pas pour leur bien-être, mais pour le contrôle géopolitique. Il a critiqué le gouvernement actuel pour avoir perdu le contact avec la réalité quotidienne des citoyens, insistant sur le fait que les promesses européennes ne restent que sur le papier. Un autre homme politique, qui a occupé des postes importants au sein de l’État, a reproché aux dirigeants actuels leur manque de professionnalisme et leur incapacité à maintenir un dialogue équilibré avec le Kremlin. Selon lui, fermer les canaux de communication avec la Fédération de Russie est une erreur, car de nombreux Moldaves continuent de dépendre du marché oriental. À l’opposé, les dirigeants pro-européens estiment que la seule voie viable pour l’avenir de la Moldavie consiste à resserrer les liens avec Bruxelles. Les Moldaves pro-européens voient dans le soutien financier et politique de l’Union européenne une occasion de moderniser les institutions de l’État, d’élever le niveau de vie et de s’ancrer dans un espace démocratique stable.
L’actuel maire de Chișinău est un acteur important de la scène politique moldave. Il tente d’étendre son influence politique au-delà de la capitale en construisant son image sur la promesse d’une efficacité administrative et d’un discours équilibré, évitant les positions radicales. Cependant, ses opposants et critiques lui reprochent de rester ambigu sur des questions fondamentales telles que l’intégration européenne ou les relations avec la Russie. Dans le même temps, l’ancien premier ministre, devenu chef de parti, tente de regagner du terrain avec un message de stabilité et de pragmatisme. Il promet qu’il peut mieux gérer les ressources et les relations extérieures, se présentant comme un homme politique doté d’une expérience internationale.
Outre ces figures centrales, la scène politique moldave a été envahie par des petits partis et des leaders régionaux, qui jouent souvent le rôle d’arbitres dans les négociations post-électorales. Cette fragmentation de la classe politique rendra difficile l’obtention d’une majorité claire et le scénario d’une nouvelle coalition compliquée est presque inévitable.
Moscou, Bruxelles et Washington
L’influence extérieure reste un facteur constant dans la classe politique moldave. Moscou, par le biais de canaux officiels et officieux, envoie constamment des messages d’avertissement : se rapprocher de l’OTAN ou de l’UE pourrait avoir de « graves conséquences ». Les dirigeants de Bruxelles et de Washington, quant à eux, proposent des paquets de soutien financier, mais ceux-ci sont conditionnés à de véritables réformes du système judiciaire et, en particulier, à la lutte contre la corruption. Les dirigeants politiques de Chișinău sont donc pris entre deux pressions : d’une part, la promesse d’un avenir européen ; d’autre part, la crainte de représailles économiques et énergétiques de la part de la Fédération de Russie.
À la frontière nord, les habitants considèrent la campagne électorale avec scepticisme. « Les politiciens ne viennent qu’avant les élections et nous oublient ensuite », affirment la plupart des habitants. La plupart d’entre eux vivent de l’agriculture, mais les faibles prix qu’ils reçoivent pour leurs produits et le manque d’infrastructures les découragent. C’est pourquoi de nombreux jeunes ont choisi de partir travailler à l’étranger, en Italie ou en Allemagne, tandis que les personnes âgées qui sont restées attendent leur petite retraite, qui suffit à peine à payer les charges, la nourriture et les médicaments nécessaires. Pour ces personnes, le rêve européen n’est pas une abstraction, mais un endroit où leurs enfants vivent mieux et envoient de l’argent au pays pour faciliter leurs vieux jours. Mais en même temps, ceux qui vivent à la frontière nord reconnaissent qu’ils dépendent toujours des produits et des marchés russes. Cette ambivalence se reflète directement dans leurs décisions de vote.
Dans la capitale, Chișinău, les perceptions sont très différentes. Certains jeunes pensent que la Moldavie doit tout faire pour intégrer l’Union européenne. « Nous n’avons pas d’avenir ici, nous devons aller à l’ouest », disent la plupart des jeunes. Les personnes plus âgées, quant à elles, continuent d’évoquer la stabilité soviétique et se tournent avec nostalgie vers la Russie. Le coût de la vie à Chișinău est de plus en plus élevé : les loyers augmentent, de même que les prix de l’énergie et des denrées alimentaires. C’est pourquoi, pour la classe moyenne, des liens plus étroits avec l’UE signifient l’espoir d’un système judiciaire qui fonctionne et de règles claires.
Pourquoi la diaspora joue-t-elle un rôle crucial dans les élections en Moldavie ? Les statistiques montrent une dure réalité : plus d’un million de citoyens moldaves vivent et travaillent à l’étranger. L’argent qu’ils envoient au pays représente près de 15 % du PIB de la Moldavie. Dans le même temps, le déclin de la population affecte le marché du travail et le système social. La pension moyenne est inférieure à 3 000 MDL et le salaire moyen reste insuffisant par rapport aux normes européennes. Si l’on compare avec la Roumanie, où le salaire net moyen dépasse 5 000 RON, ou avec l’Allemagne et la France, où le salaire net moyen est supérieur à 2 000 EUR, cet écart signifie que l’émigration reste une solution inévitable pour de nombreux citoyens moldaves.
Désinformation, corruption et lutte pour des élections équitables en Moldavie
Actuellement, tant en Moldavie qu’au sein des communautés moldaves travaillant à l’étranger, une véritable bataille se livre sur le front de l’information. Sur le modèle des élections roumaines, les élections moldaves se déroulent non seulement dans les villages et les villes, mais aussi sur Internet. Les réseaux sociaux sont devenus le terrain de prédilection des campagnes obscures, des fausses attaques et des tentatives de manipulation de l’opinion publique. Les experts ont déjà documenté de nombreux cas de « deep fakes » – de fausses vidéos mettant en scène des hommes politiques – qui circulent largement sur Telegram, TikTok et Facebook. Une série d’enquêtes récentes ont montré comment des groupes d’intérêts extérieurs financent ces campagnes de désinformation pour tenter d’influencer l’opinion publique. Les autorités tentent de lutter contre ce phénomène de désinformation, mais l’infrastructure de cybersécurité est fragile.
Un autre sujet qui domine le discours électoral en ce moment est la corruption. Depuis le « vol du milliard » en 2014, une affaire qui a secoué toute la société, jusqu’aux récents scandales, les gens se méfient profondément de la classe politique. Beaucoup pensent que, quel que soit le vainqueur, la corruption ne disparaîtra pas, seuls les acteurs changeront. L’Union européenne a, à plusieurs reprises, conditionné son soutien financier à la mise en œuvre de véritables réformes du système judiciaire, mais la mise en œuvre de ces réformes est lente, et de nombreux juges et procureurs sont toujours soupçonnés de servir des intérêts politiques. Pour l’avenir, la République de Moldavie a le choix entre l’Est et l’Ouest. Les élections du 28 septembre ne seront pas seulement un exercice de démocratie, mais un véritable test de résistance pour la société moldave dans son ensemble. Tout le monde est conscient que la République de Moldavie est prise entre deux mondes : la Russie, qui considère la Moldavie comme une ancienne province qui ne doit pas être perdue, et l’Union européenne, qui la considère comme un État aspirant à la modernisation.
Pour la Roumanie, la direction que prendra la Moldavie est vitale. Un gouvernement pro-européen à Chișinău serait synonyme de stabilité à la frontière orientale de l’Union européenne. Pour l’Ukraine, pays ravagé par un conflit avec la Fédération de Russie, la Moldavie reste un allié stratégique face à l’agression russe. Quant à la Russie, la perte de la Moldavie de sa sphère d’influence serait un pas de plus dans la diminution de son contrôle sur les pays de l’ancien espace soviétique. La Moldavie, un pays pris entre la nostalgie et l’espoir, entre le passé et l’avenir, reste fragile mais n’est pas sans ressources. Le choix que les citoyens feront dans les urnes à la fin de cette semaine sera déterminant : soit un pas décisif vers l’Union européenne, soit un retour dans le cercle vicieux de la dépendance à l’égard de Moscou. Dans une région troublée, ce petit pays a la chance de montrer que la démocratie, aussi fragile soit-elle, peut perdurer lorsque les citoyens affirment leur droit à décider. Après le 28 septembre, l’avenir de la République de Moldavie dépendra du courage de ses citoyens et de la maturité de sa classe politique.