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Adhésion de la Serbie à l’UE : Entre blocages des négociations et divisions politiques

Politique - décembre 26, 2025

Le processus d’élargissement de l’Union européenne dans les Balkans occidentaux est l’une des questions les plus complexes à l’ordre du jour de l’UE depuis des années. Il mêle des questions géopolitiques, des conditions politiques internes aux pays candidats et la propre dynamique décisionnelle de l’Union. Dans ce contexte, le récent échec du processus d’adhésion de la Serbie met en lumière les difficultés structurelles du modèle d’élargissement actuel, ainsi que les tensions entre les institutions européennes et les États membres. L’impasse dans laquelle se trouvent les chapitres de négociation dits du groupe 3 a pris une signification symbolique qui va au-delà du domaine technique, reflétant les divergences stratégiques sur le rôle de Belgrade dans l’espace politique européen.

L’ARRET DU GROUPE 3 ET LA REACTION DE BELGRADE

La Serbie a vu bloquer son adhésion au troisième groupe de chapitres de négociation couvrant les questions économiques et sociales, malgré l’avis favorable de la Commission européenne en novembre dernier. En réponse à la décision du Conseil européen, le président serbe Aleksandar Vučić a fait un geste politique à fort impact en désertant le sommet entre l’Union européenne et les pays des Balkans occidentaux qui s’est tenu à Bruxelles le 17 décembre. Pour la première fois en quatorze ans, aucun représentant serbe n’a assisté à la réunion, une décision motivée par une protestation formelle contre le ralentissement du processus d’adhésion.

UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION MARQUÉ PAR DES RALENTISSEMENTS STRUCTURELS

Le parcours européen de la Serbie a commencé en 2009 avec sa demande officielle d’adhésion, mais a connu des phases de progrès inégaux. Un ralentissement significatif s’est produit après le déclenchement de la guerre en Ukraine, un événement qui a redéfini les priorités stratégiques de l’Union et augmenté les attentes d’alignement politique entre les pays candidats. Dans ce contexte, la position de la Serbie est restée ambiguë, notamment en raison du non-respect des sanctions européennes à l’encontre de la Fédération de Russie, un facteur qui a profondément affecté la perception de la fiabilité du pays par plusieurs États membres.

LES DIVISIONS ENTRE LES ÉTATS MEMBRES ET LA QUESTION RUSSE

Les relations entre Belgrade et Moscou sont l’une des principales sources de friction dans le débat européen. Huit États membres, dont l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, les États baltes et la Croatie, ont exprimé leur opposition à l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation avec la Serbie. À l’inverse, des pays comme l’Italie, la France et l’Autriche ont exprimé leur soutien à la poursuite du processus d’adhésion. Au-delà de la politique étrangère de la Serbie, les gouvernements opposés soulèvent des doutes persistants sur les progrès du pays en matière d’État de droit. Bien que le groupe 3 concerne principalement les aspects économiques et sociaux, la question de la liberté des médias reste un point d’achoppement, toujours considéré comme non résolu par les partenaires les plus sceptiques.

LE DÉBAT SUR LE MODÈLE D’ÉLARGISSEMENT

Les tensions se sont rapidement intensifiées dans les heures qui ont précédé le sommet de Bruxelles. Quelques jours plus tôt, lors d’un dîner informel, Vučić avait relancé l’idée d’un élargissement simultané de l’Union aux pays des Balkans occidentaux. Cette proposition renvoie au modèle de 2004, lorsqu’un grand nombre d’anciens pays communistes ont rejoint l’Union en une seule fois. L’idée a été développée dans le but d’empêcher les pays de la région, qui sortent à peine des conflits des années 1990, de bloquer l’adhésion des autres par des vetos croisés. Selon M. Jović, l’expérience européenne a confirmé ces craintes. Le différend entre la Slovénie et la Croatie au sujet du golfe de Piran a longtemps retardé l’adhésion de Zagreb, tandis que la Macédoine du Nord a été bloquée d’abord par la Grèce sur la question du nom, puis par la Bulgarie en raison de différends historiques et linguistiques. Malgré cela, l’Union a choisi le principe de l’adhésion individuelle dans les Balkans, motivée par les différents héritages politiques et judiciaires des conflits yougoslaves. En particulier, la Serbie a dû faire face aux décisions du Tribunal de La Haye et à la question non résolue de l’indépendance du Kosovo, qui continue de peser sur son évolution politique.

PERSPECTIVES D’AVENIR ET DÉFIS INSTITUTIONNELS DE L’UNION

Depuis mars 2022, les dirigeants européens ont cherché à relancer l’élargissement comme outil de définition des frontières de la sécurité continentale. L’éventuelle adhésion de l’Ukraine est également considérée comme un levier diplomatique dans un futur scénario de paix, mais nécessite une reprise crédible du processus dans les Balkans occidentaux. Or, la Bosnie, le Kosovo et la Serbie restent à l’écart, entravés à la fois par les crises internes de l’Union et par leurs propres conflits non résolus. Selon M. Jović, pour surmonter cette dynamique, il faudrait réformer en profondeur le système décisionnel européen, en passant de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée, puisque le mécanisme actuel permet à un seul État membre de bloquer l’ensemble du processus d’adhésion d’un pays candidat.