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L’amende de 120 millions d’euros imposée à X est le signe que l’Europe perd sa neutralité numérique

Science et technologie - décembre 11, 2025

L’amende de 120 millions d’euros infligée à X n’est pas un simple différend technique : elle révèle la dérive discrétionnaire avec laquelle Bruxelles applique la loi sur les services numériques, transformant un outil créé pour assurer la transparence en un pouvoir politique capable d’affecter le pluralisme numérique européen.

L’Europe, qui prétend réguler l’écosystème numérique mondial avec l’autorité de la loi, risque de plus en plus de glisser vers la discrétion politique. L’amende de 120 millions de dollars infligée par la Commission européenne à X – la première dans l’histoire de la loi sur les services numériques – n’ouvre pas seulement un litige technique avec une plateforme. Elle ouvre une ligne de fracture culturelle qui touche à la conception même de l’Europe comme espace de liberté, de pluralisme et de sécurité juridique.

Le problème n’est pas Musk. La question est de savoir comment et pourquoi Bruxelles a choisi de cibler un seul acteur avec une amende à neuf chiffres basée sur des violations qui sont vaguement définies, interprétatives et non mesurables. Et c’est là que le groupe des Conservateurs et Réformistes européens s’exprime avec force.

Une ASD qui glisse vers l’arbitraire

La position des députés Nicola Procaccini et Patryk Jaki, coprésidents du groupe ECR, est sans équivoque. Selon eux, la décision de la Commission révèle des problèmes structurels dans l’interprétation et l’application de la DSA. Il ne s’agit pas d’une question technique, mais d’une alarme politique. M. Procaccini, comme le rapporte la déclaration officielle du groupe parlementaire, note que lorsque Bruxelles impose une amende de 120 millions de dollars pour des violations « définies en termes vagues et très subjectifs« , il est légitime de douter de la proportionnalité et de la neutralité de la décision. Il ajoute un point décisif : « Un droit numérique sans sécurité juridique risque de devenir un instrument de discrétion politique ». Il ne s’agit pas d’une attaque contre la réglementation. Il s’agit d’une attaque contre l’absence de critères clairs, contre la possibilité qu’un appareil supranational utilise des règles flexibles pour imposer des sanctions sélectives, pour « envoyer un signal » plutôt que pour faire respecter la loi.

Quand les plateformes craignent la politique plutôt que la loi. Mais c’est Patryk Jaki qui souligne la conséquence la plus dangereuse : l’autocensure. Si les plateformes commencent à craindre non pas ce que dit la réglementation, mais ce que la Commission pourrait penser, il en résultera un environnement numérique moins libre, plus conformiste, plus prévisible et donc plus facilement contrôlable. Comme le dit Jaki : « Si les entreprises craignent que des choix de conception controversés ou des interprétations de la transparence puissent conduire à des amendes énormes, le résultat ne sera pas une plus grande sécurité, mais davantage d’autocensure et un débat moins ouvert. » Dans une démocratie libérale, la crainte révérencielle des plateformes à l’égard du pouvoir politique est un indicateur de maladie institutionnelle. Ce n’est pas une réussite sur le plan réglementaire.

Proportionnalité opaque et critères inexistants : la sanction comme acte politique. Un autre point critique dénoncé par l’ECR concerne le manque de transparence dans le calcul de l’amende. Selon le communiqué officiel, la Commission n’a pas été en mesure d’expliquer les paramètres utilisés pour arriver au chiffre exact de 120 millions. Pas de modèle. Pas de formule. Aucune justification numérique. C’est précisément ce manque de méthode qui fait de la sanction un dangereux précédent : un législateur européen qui, au lieu de fournir des critères objectifs, se réserve le droit de frapper de manière punitive et arbitraire, donnant l’impression que la conformité n’est pas évaluée sur la base de la loi, mais sur la base d’attentes politiques changeantes.

Et l’ECR ne se limite pas à la critique : il demandera formellement à la Commission de fournir des explications sur la logique, les critères et la proportionnalité de l’intervention.

Le risque systémique : une Europe qui punit les récalcitrants

Depuis des années, le débat européen sur la réglementation numérique oscille entre deux impulsions :

  • la volonté légitime de protéger les utilisateurs ;
  • la tentation beaucoup moins légitime de réglementer la dissidence, même lorsqu’elle prend la forme de modèles commerciaux, de conception de plateformes ou de choix éditoriaux.

La sanction contre X se situe précisément à ce carrefour et donne l’impression que l’Europe s’engage sur la voie d’une gouvernance par l’intimidation, dans laquelle la plateforme « non alignée » ou simplement plus difficile à contrôler devient la cible exemplaire. Le fait que l’affaire éclate au milieu de frictions transatlantiques croissantes sur les règles numériques n’est pas un détail : c’est le contexte géopolitique dans lequel cette décision sera lue par Washington, désormais dirigé par une administration moins encline à considérer Bruxelles comme un arbitre neutre.

Liberté, pluralisme et droit : la vision conservatrice

La position d’ECR ne défend pas Musk ou une plateforme particulière. Elle défend un principe : le pouvoir réglementaire doit être neutre, mesurable et vérifiable. Car lorsque la loi devient ouverte à l’interprétation, les citoyens – et avec eux les utilisateurs numériques – perdent les garanties fondamentales de l’État de droit. L’ASD, dans son intention première, était censée être l’outil européen pour assurer la transparence, la sécurité et la responsabilité. Mais une ASD appliquée comme dans ce cas risque de se transformer en son contraire : un cadre où la discrétion prévaut sur la certitude, et où les plateformes apprennent davantage à éviter les conflits politiques qu’à se conformer aux normes techniques. C’est là le nœud du problème : une Europe qui punit sans expliquer, qui interprète sans clarifier et qui réglemente sans garantir la neutralité ne défend pas la démocratie : elle l’affaiblit.

La véritable bataille porte sur l’avenir du pluralisme numérique

L’ECR a raison d’exiger la clarté, la proportionnalité et la sécurité juridique. Il a raison d’appeler à une réglementation qui ne devienne pas une arme politique. Et surtout, il a raison de dénoncer le risque que la peur de Bruxelles ne crée un écosystème numérique plus pauvre, plus prudent et moins libre. La démocratie ne se développe pas dans le silence : elle se développe dans le choc des idées. Et toute loi qui encourage le silence, même involontairement, est une loi qui doit être revue. Si l’Europe veut être une civilisation avant d’être un système de règles, elle doit se rappeler que la liberté d’expression ne se défend pas avec des sanctions exemplaires. Elle se défend par la sécurité juridique, par la neutralité des institutions et par le rejet de toute tentation d’exercer un pouvoir discrétionnaire. Le cas X n’est qu’un premier cas d’école. Et il est bon que quelqu’un le dise enfin clairement.

Focus – Qu’est-ce que la loi sur les services numériques ?

La loi sur les services numériques est le nouveau cadre réglementaire avec lequel l’UE entend réguler les grandes plateformes numériques, en imposant des obligations beaucoup plus strictes aux très grandes plateformes en ligne (VLOP), c’est-à-dire aux services qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs dans l’Union. L’ASD a été créée dans le but d’accroître la transparence, d’atténuer les risques systémiques (désinformation, ingérence étrangère, manipulation du débat public), de protéger les utilisateurs et de rendre le marché numérique européen plus prévisible. Pour les VLOP, cela signifie qu’ils doivent rendre publiques leurs archives publicitaires, permettre aux chercheurs accrédités d’accéder aux données, éviter les pratiques trompeuses dans les interfaces(dark patterns), évaluer et atténuer les risques pour la démocratie et répondre rapidement aux ordres de retrait des autorités. Le nœud politique, comme l’a noté l’ECR, est que de nombreux concepts clés de la DSA – « risque systémique », « conception trompeuse », « atténuation adéquate », « transparence significative » – sont larges et flexibles, donnant à la Commission une marge de manœuvre interprétative sans précédent, combinée au pouvoir d’imposer des sanctions allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial et de prescrire des mesures correctives. En théorie, l’ASD devrait garantir l’ordre et la responsabilité ; en pratique, si elle est appliquée avec des critères changeants, elle risque de devenir un outil d’application discrétionnaire, où les plateformes craignent non pas la loi mais l’humeur politique à Bruxelles. C’est le point contesté par les conservateurs européens dans le cas X : sans critères clairs, la neutralité réglementaire vacille et la liberté numérique devient vulnérable.