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L’UE et l’Indonésie signent un accord de libre-échange pour contrer les droits de douane américains

Commerce et économie - septembre 27, 2025

Un accord radical abolit les droits de douane, sécurise les matières premières et renforce les ambitions écologiques de l’Europe.

L’Union européenne et l’Indonésie ont conclu un accord de libre-échange historique qui promet de remodeler les liens économiques et stratégiques entre Bruxelles et l’Asie du Sud-Est. Décrit par les responsables comme un pacte « anti-Trump », l’accord abolit 98,5 % des droits de douane bilatéraux et ouvre des voies de coopération essentielles dans les domaines des véhicules électriques, des énergies renouvelables et du commerce numérique. Plus qu’un accord commercial, il témoigne de la détermination de l’Europe à contrer les tendances protectionnistes et à garantir les ressources nécessaires à ses transitions verte et numérique.

Annoncé à Bruxelles après des années de négociations, l’accord de partenariat économique global entre l’UE et l’Indonésie prévoit des réductions tarifaires considérables qui permettront aux exportateurs européens d’économiser environ 600 millions d’euros par an. En vertu de cet accord, les droits indonésiens sur les voitures européennes seront réduits de 50 %, les droits de douane pouvant atteindre 15 % sur les machines et les produits pharmaceutiques diminueront fortement et les droits de douane sur les produits chimiques baisseront de 25 %. Dans l’ensemble, la quasi-totalité des droits de douane indonésiens sur les produits de l’UE seront supprimés, ce qui créera l’une des relations commerciales les plus ouvertes de la région.

Une réponse stratégique aux tensions mondiales

Les dirigeants européens ont présenté le pacte comme une réponse directe aux politiques protectionnistes de l’ancien président américain Donald Trump, dont les guerres commerciales et les hausses tarifaires ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales et remis en question les normes commerciales multilatérales. « Dans l’économie mondiale imprévisible d’aujourd’hui, les relations commerciales ne sont pas seulement des outils économiques, mais des ressources stratégiques », a déclaré Maros Sefcovic, vice-président et négociateur en chef de la Commission européenne. Sa remarque a été largement interprétée comme un message adressé à Washington ainsi qu’aux membres sceptiques du Parlement européen, qui continuent de débattre d’autres accords commerciaux tels que le pacte UE-Mercosur, qui est contesté.

En concluant un accord de grande envergure avec l’Indonésie – la plus grande économie d’Asie du Sud-Est et un fournisseur clé de minerais essentiels – l’UE vise à diversifier ses partenaires commerciaux et à réduire sa dépendance à l’égard de marchés plus volatils. Cet accord renforce également l’empreinte géopolitique de l’Europe dans la région indo-pacifique, où la concurrence entre les puissances mondiales s’intensifie.

Les gains du Green Deal : Voitures électriques et matières premières

La coopération dans le domaine des technologies propres est au cœur de l’accord. L’Indonésie est l’une des plus riches sources mondiales de nickel et de cobalt, deux minéraux essentiels à la fabrication des batteries utilisées dans les véhicules électriques et le stockage des énergies renouvelables. Un accès stable et prévisible à ces matériaux est essentiel pour le « Green Deal » de l’Europe, qui vise à décarboniser les transports et à développer les infrastructures d’énergie renouvelable.

Le pacte élimine les droits de douane sur les produits respectueux de l’environnement et établit de nouvelles règles pour encourager les investissements européens dans les énergies renouvelables et la production de véhicules électriques. « Notre accord avec l’Indonésie garantit un approvisionnement stable et prévisible en matières premières essentielles pour les technologies propres et les industries sidérurgiques européennes », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en qualifiant l’accord de pierre angulaire de la stratégie industrielle verte de l’Europe.

Outre l’énergie et les matières premières, l’accord comprend des dispositions visant à encourager la coopération dans le domaine de la technologie des batteries et de la mobilité électrique, créant ainsi des possibilités d’entreprises communes et de transferts de technologie. Les constructeurs automobiles européens bénéficieront d’un accès plus facile au marché, tandis que les entreprises indonésiennes auront la possibilité de s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnement européennes en technologies propres, qui connaissent une croissance rapide.

Commerce numérique et télécommunications

L’accord entre l’UE et l’Indonésie ouvre également de nouvelles perspectives dans le domaine du commerce numérique. Pour la première fois, l’Indonésie autorisera une participation étrangère de 100 % dans les télécommunications et les services informatiques, ce qui ouvrira des perspectives lucratives aux investisseurs européens. L’accord introduit un ensemble complet de mesures visant à faciliter le commerce numérique, notamment les signatures et l’authentification électroniques, la protection des consommateurs et la sauvegarde du code source. Fait important, il interdit les droits de douane sur les transmissions électroniques telles que les logiciels et les supports numériques, ce qui constitue une première pour l’Indonésie et une grande victoire pour le secteur technologique européen.

Ces mesures visent à favoriser un environnement en ligne sûr et prévisible, à faciliter le commerce électronique transfrontalier et à renforcer l’économie numérique indonésienne tout en donnant aux entreprises européennes un avantage concurrentiel.

Protections et opportunités agricoles

L’agriculture reste un domaine sensible pour les deux parties, mais l’accord établit un équilibre entre la libéralisation et la protection des intérêts locaux. Les exportateurs européens bénéficieront d’un accès en franchise de droits pour des produits clés tels que les produits laitiers, la viande, les fruits, les légumes et les aliments transformés. Dans le même temps, l’Union européenne a obtenu des protections solides pour 221 indications géographiques, notamment pour des produits emblématiques comme le Parmigiano Reggiano et le Champagne, afin d’empêcher l’imitation et de sauvegarder le patrimoine culinaire européen.

L’Indonésie, pour sa part, maintient des limites sur les importations de certains produits agricoles sensibles, notamment le riz, le sucre, les œufs, les bananes fraîches et l’éthanol, tandis que des quotas s’appliqueront à l’ail, aux champignons, au maïs doux, à l’amidon de manioc et aux produits à forte teneur en sucre. Cette approche calibrée ouvre les marchés sans porter atteinte à la sécurité alimentaire ou aux producteurs locaux.

Un nouveau chapitre de la politique commerciale de l’UE

L’accord entre l’UE et l’Indonésie illustre la manière dont Bruxelles tire parti de la politique commerciale pour atteindre des objectifs stratégiques : promouvoir le développement durable, garantir les ressources vitales et faire preuve de leadership mondial en matière d’ouverture des marchés. En associant l’élimination des droits de douane à la coopération dans le domaine des technologies vertes et des services numériques, l’Union européenne élabore des accords commerciaux qui favorisent la réalisation d’objectifs économiques et environnementaux.

Alors que le monde est aux prises avec le protectionnisme et l’incertitude géopolitique, le pacte avec l’Indonésie constitue une déclaration audacieuse de l’engagement de l’Europe en faveur du libre-échange et de sa volonté d’agir de manière stratégique. Pour les deux partenaires, l’accord marque le début d’une nouvelle ère, qui associe les opportunités économiques à la poursuite commune d’un avenir plus vert et mieux connecté.

 

Alessandro Fiorentino