Rome gagne en crédibilité auprès des investisseurs et des partenaires de l’UE grâce à sa discipline budgétaire et à la baisse de ses déficits, mais la faible croissance du PIB et l’incertitude mondiale constituent un défi pour les années à venir.
L’Italie termine l’année avec un rare sceau d’approbation de la part des marchés financiers et des institutions européennes. L’engagement du gouvernement en faveur de la responsabilité budgétaire et la relative stabilité politique sous l’égide du Premier ministre Giorgia Meloni ont rassuré les investisseurs, ramenant les spreads obligataires à leur plus bas niveau depuis 2009. Pourtant, derrière cette évaluation positive se cache une réalité plus complexe : la croissance économique a fortement ralenti, et le pays est maintenant confronté à la tâche difficile de relancer la dynamique sans miner la crédibilité durement acquise.
Selon les dernières estimations, la croissance du PIB de l’Italie pour 2025 ne devrait atteindre que 0,5 %, contre 0,7 % en 2024 et plus de la moitié des 1,2 % prévus un an plus tôt. Ce ralentissement reflète une combinaison de facteurs externes et internes. Sur le plan mondial, l’incertitude suscitée par les nouvelles menaces tarifaires américaines, les conflits géopolitiques en cours et la volatilité des marchés financiers a pesé lourdement sur le commerce et l’investissement internationaux. Sur le plan intérieur, comme l’a noté l’OCDE, l’assainissement budgétaire lui-même a freiné la croissance en limitant les dépenses financées par le déficit.
Néanmoins, l’assainissement des finances publiques était en grande partie inévitable. La dette publique de l’Italie reste massive, dépassant 136 % du PIB, un fardeau alourdi par les coûts persistants des incitations à la construction « Superbonus » introduites par les gouvernements précédents. Ces facteurs ont contraint Rome à resserrer les cordons de la bourse. Le résultat est significatif : l’écart entre les obligations d’État italiennes et allemandes est tombé à environ 70 points de base, ce qui se traduit par des économies substantielles sur les paiements d’intérêts sur la dette et par une amélioration de la confiance des investisseurs.
Cette confiance a été renforcée par une vague de décisions positives de la part des agences de notation internationales, ce que l’Italie n’avait pas connu depuis des décennies. Fin novembre, Moody’s a relevé la note de l’Italie de Baa3 à Baa2, pour la première fois depuis 23 ans. DBRS a suivi en octobre, ramenant l’Italie dans la catégorie « A » (A faible), tandis que Fitch avait déjà relevé sa note à BBB+ en septembre. Ces mesures sont cruciales pour un pays qui doit régulièrement refinancer une dette publique qui, en termes absolus, a atteint un nouveau record de 3 131,7 milliards d’euros en octobre, selon la Banque d’Italie.
Sur le plan budgétaire, l’Italie a également marqué des points à Bruxelles. Le déficit, actuellement estimé à environ 3 % du PIB, devrait passer sous le seuil de l’UE, ce qui ouvrirait la voie à la suspension des procédures de déficit excessif dès le printemps prochain. Les projections du gouvernement font état d’une baisse régulière du déficit, qui devrait atteindre 2,8 % en 2026, 2,6 % en 2027 et 2,3 % en 2028. Dans le même temps, le ratio de la dette au PIB devrait se stabiliser et amorcer une baisse progressive à partir de 2027, malgré les lourdes charges héritées des politiques passées.
Les perspectives de croissance restent toutefois fragiles. Les tensions commerciales déclenchées sous l’ère Trump, qui ont refait surface de manière inattendue, ont créé une incertitude prolongée que peu de gens avaient anticipée il y a un an. Combinés à l’impact économique des conflits en cours, ces facteurs ont freiné le modèle de croissance de l’Italie, axé sur les exportations. Par conséquent, le défi pour l’Italie, et plus largement pour la zone euro, est de repenser ses sources de croissance, en déplaçant le moteur des exportations vers la demande intérieure.
Cette tâche est compliquée par le contexte européen plus large. L’Allemagne, qui était autrefois le moteur économique du continent, est en difficulté, n’affichant qu’une croissance marginale après une récession en 2024. La France, quant à elle, est confrontée à l’instabilité politique et à une augmentation rapide de son taux d’endettement, qui dépasse désormais 117 % du PIB. Dans ce contexte, l’Italie se distingue par sa relative discipline budgétaire, mais elle ne peut à elle seule compenser la morosité de l’économie européenne.
À l’avenir, l’apaisement progressif des tensions commerciales devrait soutenir le commerce international de l’Italie, tandis que la diversification vers les marchés d’Amérique latine, du Golfe et d’Asie pourrait réduire la dépendance à l’égard des partenaires traditionnels. La croissance devrait remonter à 0,7 % en 2026 et 2027, pour atteindre 0,8 % en 2028, sous l’impulsion croissante de la consommation intérieure et de l’investissement. Les retombées des investissements financés par le plan de relance et de résilience de l’UE (PNRR) joueront également un rôle clé.
La loi de finances du gouvernement, d’un montant de 22 milliards d’euros, reflète l’équilibre entre consolidation et croissance. Tout en étant limitée par la discipline budgétaire, elle introduit des mesures visant à stimuler le pouvoir d’achat et l’investissement. La principale d’entre elles est la réduction de la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui ramène le taux de 35 % à 33 % pour les personnes à revenus moyens, après l’allégement fiscal accordé l’année dernière pour les revenus les plus faibles. Les autres mesures comprennent des incitations pour les entreprises par le biais d’une augmentation des déductions pour amortissement, un nouveau financement pour la transition numérique et industrielle, un allègement ciblé de l’impôt sur le travail et un soutien pour les renouvellements de contrats.
En bref, l’Italie a retrouvé sa crédibilité et sa stabilité. La prochaine étape, plus difficile, consistera à transformer cette confiance en croissance durable.