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L’UE assouplit son interdiction des voitures en 2035

Commerce et économie - décembre 26, 2025

Bruxelles ouvre la porte aux moteurs à combustion limitée afin de concilier les objectifs climatiques et la réalité industrielle

Après des mois de lobbying intense de la part d’États membres influents tels que l’Italie et l’Allemagne, ainsi que de pressions soutenues de la part de l’industrie automobile européenne, la Commission européenne a annoncé un revirement significatif de son plan historique visant à interdire la vente de voitures à moteur à combustion interne à partir de 2035. Ce qui était devenu un puissant symbole de l’ambition du Green Deal de l’UE est maintenant transformé en un cadre plus flexible qui autorise un rôle limité pour les technologies basées sur la combustion au-delà de cette date.

La nouvelle proposition, approuvée par la Commission à Strasbourg après de vifs débats internes, remplace l’objectif précédent d’une réduction de 100 % des émissions des véhicules par une réduction de 90 % par rapport aux niveaux de 2021. Ce changement apparemment technique a des conséquences majeures : il crée une niche de marché après 2035 pour les véhicules équipés de moteurs à combustion interne, les hybrides rechargeables et les prolongateurs d’autonomie, remettant en cause la vision antérieure d’une transition basée exclusivement sur les véhicules électriques à batterie ou à hydrogène.

Neutralité technologique et crédits d’émission

Au cœur de la révision se trouve le principe de « neutralité technologique », préconisé depuis longtemps par plusieurs gouvernements et constructeurs. Pour compenser les 10 % d’émissions restantes qui seront tolérées en vertu des nouvelles règles, les constructeurs automobiles devront accumuler des « crédits d’émission ». Ces crédits peuvent être obtenus grâce à diverses stratégies, notamment l’utilisation d’acier à faible teneur en carbone produit au sein de l’UE et l’adoption de carburants durables tels que les biocarburants synthétiques et les biocarburants avancés, non alimentaires, dérivés de déchets agricoles ou d’huiles de cuisson usagées. Les biocarburants produits à partir de cultures vivrières restent exclus.

Selon les estimations de la Commission, ce système pourrait permettre à 30-35 % du marché automobile post-2035 d’être desservi par des véhicules qui ne sont pas entièrement électriques. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a cherché à rassurer les critiques en déclarant que « l’Europe reste à l’avant-garde de la transition mondiale vers une économie propre ». En revanche, le ministre italien de l’entreprise, Adolfo Urso, a salué cette décision comme une « brèche dans le mur de l’idéologie », s’attribuant le mérite de l’action de Rome en faveur de la neutralité technologique.

Les réactions de l’industrie ont été mitigées. L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a salué ce changement comme une étape vers une transition plus pragmatique et plus souple, tandis que l’UNRAE (Italie) a fait valoir qu’il était nécessaire compte tenu de l’absence d’une politique industrielle cohérente à l’échelle de l’UE pour soutenir l’électrification. D’un autre côté, les fabricants qui se concentrent exclusivement sur les véhicules électriques ont exprimé une forte opposition. Le PDG de Polestar, Michael Lohscheller, a averti que l’affaiblissement des règles pourrait nuire à la fois au climat et à la compétitivité à long terme de l’Europe.

Flexibilités supplémentaires et soutien au marché

Au-delà de la modification globale de l’objectif d’émissions, la Commission a introduit d’autres flexibilités. Les constructeurs automobiles bénéficieront d’une prolongation de trois ans, de 2030 à 2032, pour se conformer aux réductions d’émissions à venir. Les objectifs de réduction des émissions pour les camionnettes d’ici à 2030 ont également été ramenés de 50 % à 40 %.

Afin de stimuler la demande de voitures électriques abordables produites en Europe, Bruxelles a lancé une nouvelle catégorie de « petites voitures abordables », couvrant les véhicules électriques d’une longueur maximale de 4,2 mètres. Ces modèles bénéficieront d’un gel des exigences réglementaires pendant dix ans et, s’ils sont fabriqués dans l’UE, pourront être comptabilisés comme des « supercrédits » en vue de la réalisation des objectifs d’émission du parc automobile. Parallèlement, l’UE a affecté 1,8 milliard d’euros au soutien d’une chaîne d’approvisionnement en batteries entièrement européenne, dont 1,5 milliard d’euros sous forme de prêts sans intérêt à partir de l’année prochaine.

Les flottes d’entreprises, qui représentent environ 60 % des ventes de voitures neuves en Europe, constituent un autre levier important. Selon la proposition, l’Italie devra veiller à ce que les véhicules à zéro émission représentent au moins 45 % des flottes d’entreprise d’ici à 2030 et 80 % d’ici à 2035, bien que les États membres conservent une certaine souplesse quant à la manière d’atteindre ces objectifs.

Une transition à deux vitesses

Malgré ces mesures, des inquiétudes subsistent quant à l’existence d’un marché européen « à deux vitesses ». L’adoption des véhicules électriques est fortement concentrée dans le nord et l’ouest de l’Europe. La Norvège, bien qu’elle ne soit pas membre de l’UE, a atteint une part extraordinaire de 94 % de véhicules électriques dans les ventes totales au cours des sept premiers mois de 2025, alors que des pays comme la Croatie restent bloqués à environ 1 %. Au sein de l’UE, la pénétration des VE va d’environ 5 % en Italie à environ 10 % dans l’ensemble au cours de la même période.

Les critiques craignent que l’assouplissement des objectifs en matière d’émissions ne ralentisse les investissements dans les infrastructures de recharge, pierre angulaire de l’adoption massive des VE. En outre, dans les pays où les incitations à l’achat sont généreuses, comme l’Espagne, les principaux bénéficiaires ont souvent été des fabricants chinois proposant des modèles moins chers que leurs rivaux européens.

La décision de la Commission trace une nouvelle voie, soigneusement calibrée : un compromis destiné à concilier l’ambition climatique avec la capacité industrielle et les préoccupations économiques. Toutefois, la proposition doit encore être approuvée par les gouvernements des 27 États membres et par le Parlement européen, où l’équilibre final entre flexibilité et ambition sera âprement disputé.

 

Alessandro Fiorentino