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La recette d’Atreju : Faire en sorte que même les étrangers se sentent chez eux

Construire une Europe conservatrice - décembre 15, 2025

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Il y a un moment, en arrivant dans les jardins du Château Saint-Ange, où l’Atreju cesse d’être « un événement » et devient simplement un lieu. Il n’est pas nécessaire de savoir qui parle sur la scène principale, ni d’avoir le programme dans sa poche. Il suffit de suivre le courant : des familles qui traînent des patins et des sacs à dos, des petits groupes d’adolescents qui se réchauffent les mains autour d’une boisson chaude, des couples plus âgés qui sont venus « pour voir comment c’est », des touristes qui tombent sur un village de Noël en plein centre de Rome comme s’il s’agissait d’une surprise saisonnière.

La scène fonctionne parce que l’accès est la première déclaration d’intention : entrée libre, pas de badges, pas de seuil à franchir sur invitation. Et dans un pays où la politique devient souvent une enceinte clôturée (ou un studio de télévision), ils tentent ici quelque chose d’autre : une place construite, mais que vous pouvez traverser sans avoir à déclarer votre allégeance. Atreju 2025, du 6 au 14 décembre, seprésente explicitement comme un grand village de Noël au cœur de la ville : des stands de marché, des produits locaux, une patinoire destinée aux adultes comme aux enfants. Le premier impact n’est pas idéologique, il est logistique et sensoriel. Des lumières et du bois, des odeurs de nourriture, des files d’attente sans tension, une sorte d’ordre informel qui rend l’espace vivable.

La patinoire devient le centre émotionnel, non pas parce qu’elle est spectaculaire, mais parce qu’elle est familière. C’est un geste simple : si vous voulez, vous pouvez rester sans écouter personne. Si vous voulez, vous pouvez passer, acheter un petit cadeau, passer une demi-heure et repartir. C’est une façon très concrète de dire : ce n’est pas seulement pour ceux qui sont déjà là. Et c’est là que la « recette » de l’Atreju devient claire : elle n’essaie pas de vous persuader avec un discours d’abord, elle vous offre une atmosphère. Avant de vous demander ce que vous pensez, elle vous demande si vous voulez rester.

Cette année, le résultat est mesurable : 105 000 personnes sont passées par l’Atreju. Ce chiffre explique à lui seul pourquoi l’édition 2025 a été qualifiée de record. Il est extraordinaire non seulement par son nombre, mais aussi par ce qu’il implique : 105 000 personnes dans le centre de Rome, c’est une fréquentation constante, un public mixte, une curiosité qui n’est pas forcément partisane. Concrètement, cela signifie que l’événement a réussi à être « ville » avant d’être « fête ».

Et pourtant, alors que le village vous attire avec des choses ordinaires, le pouls du rassemblement politique est toujours présent en arrière-plan : les microphones sont testés, les lumières de la scène s’allument, le personnel se déplace rapidement entre les zones, les bénévoles escortent les invités. L’architecture est celle d’un grand événement public, mais le langage est celui d’un lieu qui se veut domestique. Ce n’est pas un détail mineur ; c’est la différence entre un rassemblement et un rendez-vous civique. Atreju essaie de faire en sorte que l’identité fonctionne moins comme un mur et plus comme une maison avec une porte ouverte.

Le jour de l’ouverture, cela a été particulièrement visible : coupure du ruban, inauguration de la patinoire avec des enfants qui se sont produits avant les salutations plus institutionnelles. Même cette séquence envoie un message. Non pas « regardez comme nous sommes impressionnants », mais « regardez comme il est normal d’être ici ». Et en effet, l’Atreju vit dans cette zone grise qui est le secret de sa durabilité : il ne renonce pas à la politique, mais il place la politique dans un cadre où les gens arrivent pour mille raisons différentes, et beaucoup n’ont rien à voir avec les panneaux.

Sur le côté, le marché : petits achats, produits italiens, logique pratique du « cadeau utile » plutôt que du gadget politique. Devant, la lenteur typique des espaces de Noël, une atmosphère qui adoucit tout, y compris le ton. Et puis, il y a la simple curiosité : des gens qui ne votent peut-être pas pour Fratelli d’Italia, mais qui se permettent de regarder, d’écouter pendant quelques minutes, de se faire une impression. Cela aussi fait partie de la recette : ne pas exiger l’alignement, mais encourager la proximité.

Vu de l’intérieur, le résultat le plus frappant est moins politique que social : L’Atreju est une démonstration d’organisation et de mise en scène publique. Un événement qui en est à sa 26e édition se comporte, par sa durée et sa centralité, comme un rendez-vous du calendrier romain, et non comme une apparition. En d’autres termes, ce n’est pas simplement un événement qui « occupe » un espace ; c’est un espace qui tente de devenir un événement – un environnement où les gens peuvent circuler, s’attarder, revenir.

Et c’est là que le passage politique devient inévitable, même s’il n’a pas besoin d’être crié. L’Atreju, c’est aussi la façon dont Fratelli d’Italia tente de transformer l’identité en espace public, ensuggérant que la droite italienne n’est pas seulement un leadership et des votes, mais une communauté capable d’organiser, d’accueillir et de maintenir les choses ensemble. À une époque où la politique a tendance à s’enfermer derrière des barrières ou à n’exister que sur des écrans, le fait de rassembler 105 000 personnes dans un lieu ouvert et praticable est une démarche culturelle avant d’être électorale : une affirmation selon laquelle la politique peut encore être vécue comme une présence, et pas seulement consommée comme un contenu.

C’est la logique profonde de « faire en sorte que même les étrangers se sentent chez eux ». Il ne s’agit pas d’une promesse de neutralité, mais de la décision de remettre en question l’idée que la politique doit toujours être synonyme de conflit et de séparation. L’Atreju devient un lieu où l’identité essaie de ne pas se transformer en hostilité : il invite, accueille, laisse les gens circuler. Et dans une Italie où les places publiques sont souvent soit fortement policées, soit vidées, la simple possibilité d' »entrer et de rester » est déjà, en soi, un message.

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