Est-il conservateur de vouloir changer la constitution d’un pays ? Les conservateurs ne devraient-ils pas toujours vouloir préserver le statu quo et résister au changement ? Peut-être pas dans les cas où les lois et les constitutions ont été caractérisées par une pensée progressiste moderne.
Dans le royaume de Suède, hautement démocratique et réputé progressiste depuis de nombreuses années, une bataille politique est actuellement en cours au sujet de la constitution.
Sept des huit partis représentés au parlement national sont d’accord pour rendre plus difficile la modification de la constitution. Auparavant, une majorité normale dite simple, avec plus de 50 % des voix au parlement national, pouvait voter un amendement constitutionnel si la même décision était prise deux fois avec une élection entre les deux. Désormais, il faudra que les deux tiers des députés votent en faveur de la modification lorsque la proposition sera soumise au vote pour la deuxième fois. Un plus grand nombre de députés sera donc nécessaire pour modifier la constitution.
Cela peut sembler raisonnable, surtout d’un point de vue conservateur où l’on aime procéder avec prudence aux changements dans la société. Mais c’est plus compliqué que cela.
Pendant près de 100 ans, les sociaux-démocrates ont été le parti dominant de la politique suédoise. C’est le parti le plus important et celui qui, à bien des égards, a mené le développement social. Du moins jusqu’aux années 1990. Par la suite, les sociaux-démocrates se sont surtout efforcés de s’adapter aux vents néolibéraux et conservateurs et d’essayer de conserver leur pouvoir.
Tant que les sociaux-démocrates étaient le parti qui faisait avancer le développement social, ou du moins qui le croyait, le parti n’était pas intéressé par le fait de rendre plus difficile la modification de la constitution. À l’époque, ils ont même défendu le système selon lequel seule une majorité simple était requise pour que les changements soient adoptés. Mais maintenant qu’ils ont largement marqué la société suédoise de leur empreinte, il sera soudain plus difficile de changer la façon dont les Suédois perçoivent la Suède et la façon dont elle doit être gouvernée.
Aujourd’hui, c’est le nouveau parti de droite, les Démocrates de Suède, qui veut s’en tenir à l’ordre ancien. Les Démocrates de Suède ont récemment réalisé que le nouvel amendement constitutionnel donnerait aux sociaux-démocrates – qui se maintiennent à 30-35 % aux élections depuis vingt ans et conservent ainsi leur position de premier parti de Suède – des droits de veto contre les nouveaux amendements constitutionnels.
Même si tous les autres partis souhaitent un changement, les sociaux-démocrates, s’ils conservent à peu près la même taille, peuvent rassembler le nombre de voix nécessaires pour empêcher les changements souhaitables.
Aujourd’hui, dans les années 2020, ce sont les sociaux-conservateurs et nationalistes des Démocrates de Suède qui mènent l’évolution de la société suédoise. Ce sont leurs politiques en matière d’immigration, de prévention de la criminalité et d’énergie auxquelles les autres partis s’adaptent. Et ce sont les démocrates suédois qui ont la force de soulever la question difficile et sensible de toutes les citoyennetés suédoises qui ont été distribuées, sur des bases peu solides, à tous les migrants qui sont venus en Suède au cours des 30 dernières années.
De nombreux Suédois pensent aujourd’hui que les immigrés qui ont obtenu la nationalité suédoise mais qui commettent des délits graves, qui ont des contacts avec l’islamisme violent, et peut-être même ceux qui ont obtenu la nationalité pour des motifs erronés, devraient se voir retirer leur nationalité. Du moins dans les cas où les immigrés ont la double nationalité et sont donc restés citoyens de leur pays d’origine.
Mais il faut pour cela modifier la constitution, qui stipule clairement qu’aucun citoyen suédois ne peut être privé de sa citoyenneté.
Plusieurs articles de la constitution suggèrent également que l’ordre social suédois est fondé sur l’idée de la valeur égale de tous les individus, ce qui aurait pu servir d’argument pour justifier l’immigration presque incontrôlée qui prévalait jusqu’à présent. De nouveaux articles sur la responsabilité spécifique de la société suédoise à l’égard de ses propres citoyens, et donc pas à l’égard des personnes en général, pourraient constituer une clarification bienvenue.
Mais tout cela pourrait devenir plus difficile maintenant que tous les anciens partis, emmenés par les sociaux-démocrates, rendent plus difficile la modification de la constitution.
Alors comment se fait-il qu’un parti conservateur comme les Démocrates de Suède soit aujourd’hui le parti qui veut faciliter le changement social ? Parce que ce sont les partis progressistes qui ont façonné la Suède moderne.