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La réforme des Nations Unies et le scénario géopolitique : Réflexion sur le discours du Premier ministre italien

Politique - septembre 27, 2025

Le contexte international de ces dernières années se caractérise par une instabilité croissante et un retour de la logique conflictuelle comme outil de résolution des différends. Les institutions multilatérales, en particulier les Nations unies, sont aujourd’hui confrontées à une crise d’efficacité sans précédent depuis leur création en 1945. Dans son discours à l’Assemblée générale, le Premier ministre italien Giorgia Meloni a souligné avec force cette fragilité, en mettant en évidence l’inadéquation de l’architecture des Nations unies pour faire face aux défis contemporains. Son discours, bien qu’enraciné dans la tradition diplomatique italienne de soutien au multilatéralisme, a offert une réflexion critique mais pragmatique sur la nécessité d’une réforme profonde et réaliste de l’organisation. Il sera utile de réfléchir aux principaux points du discours du Premier ministre italien, en les plaçant dans le cadre du débat plus large sur les réformes des Nations unies et la transformation de la gouvernance mondiale. Ce débat a certainement porté sur des questions telles que la crise du système de sécurité collective, le cas exemplaire du conflit russo-ukrainien, le problème de la représentation et de l’efficacité des institutions, la révision des instruments réglementaires internationaux, la question des migrations et de la liberté religieuse, le modèle de coopération avec l’Afrique proposé par l’Italie et, enfin, la critique des politiques économiques et environnementales de l’Occident.

UN MONDE SUSPENDU ENTRE LA GUERRE ET LA PAIX

L’état des lieux dressé par le Premier ministre italien commence par un fait empirique : selon le dernier Global Peace Index, cinquante-six conflits armés sont actuellement en cours, soit le nombre le plus élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette statistique n’est pas une simple curiosité : elle met en évidence l’échec partiel de l’objectif fondateur des Nations unies : la prévention de la guerre et la promotion de la paix par la médiation, la diplomatie et la coopération internationale. Une comparaison entre le contexte actuel et celui de 1945, année de la création de l’ONU, révèle un changement radical. À l’époque, cinquante et un États décidaient de s’unir pour créer une plate-forme commune capable de gérer les conflits et d’assurer la sécurité collective. Aujourd’hui, près de quatre-vingts ans plus tard, le système semble incapable de prévenir l’escalade des guerres et d’offrir des solutions partagées. La perception de vivre une « troisième guerre mondiale fragmentée », pour reprendre la définition du pape François, reprise par Meloni, reflète la fragmentation dramatique du paysage géopolitique.

LE CONFLIT RUSSO-UKRAINIEN : UNE BLESSURE AU DROIT INTERNATIONAL

Un chapitre central du discours concernait la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine à partir de février 2022. Selon M. Meloni, la gravité de l’acte ne réside pas seulement dans la violence du conflit, mais aussi dans le fait qu’un membre permanent du Conseil de sécurité a délibérément violé les principes fondateurs de la Charte des Nations unies, en particulier le respect de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique d’États souverains. Le Premier ministre a souligné que l’attitude de Moscou et son refus de s’engager dans des négociations crédibles ont eu des effets déstabilisateurs bien au-delà des frontières de l’Europe de l’Est, contribuant à de nouvelles crises régionales et affaiblissant encore la cohésion de l’ONU. Cet épisode met en évidence une contradiction structurelle : l’organe chargé de garantir la paix est paralysé par le comportement de l’un de ses acteurs les plus influents, le détenteur du droit de veto.

LA CRISE DES NATIONS UNIES ET LA NÉCESSITÉ D’UNE RÉFORME

Le cœur du discours de Meloni est la prise de conscience que l’architecture actuelle des Nations Unies est inadaptée pour répondre aux défis contemporains. Le multilatéralisme et la diplomatie, s’ils ne sont pas soutenus par des institutions efficaces, risquent d’être réduits à de simples déclarations rhétoriques. D’où la proposition d’une réforme « profonde, pragmatique et réaliste », qui ne vise pas à introduire de nouvelles hiérarchies ou de nouveaux sièges permanents, mais plutôt à rendre l’organisation plus agile, plus transparente et plus efficace. L’Italie, également par l’intermédiaire du groupe Uniting for Consensus, a longtemps avancé des propositions alternatives à la création de nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité, préférant des modèles plus inclusifs et représentatifs. Selon M. Meloni, la réforme doit respecter les principes d’égalité, de démocratie et de responsabilité, en évitant d’accentuer les déséquilibres existants. L’image évoquée du « Palais de verre », qui doit devenir une véritable « Maison de verre », illustre la nécessité de garantir la transparence des processus décisionnels et de l’utilisation des ressources.

LA NÉCESSITÉ DE REVOIR LES NORMES ET LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

Au-delà des institutions, les règles régissant les relations internationales doivent également être mises à jour. Les conventions sur la migration et l’asile, élaborées à une époque où les migrations de masse et la traite organisée des êtres humains n’existaient pas, sont aujourd’hui inadaptées. M. Meloni a mis en garde contre le risque qu’une interprétation idéologique de certains systèmes judiciaires ne porte atteinte à la souveraineté nationale et à la capacité des États à protéger leurs citoyens. La proposition italienne ne vise pas à réduire les garanties fondamentales, mais plutôt à adapter les règles à un contexte historique changeant, dans lequel la protection des droits de l’homme doit être conciliée avec la nécessité d’assurer la sécurité intérieure et la stabilité. La lutte contre les réseaux criminels qui profitent du désespoir des migrants doit donc devenir un objectif prioritaire de la communauté internationale.

DROITS DE L’HOMME ET LIBERTÉ RELIGIEUSE

Une brève discussion a porté sur le traitement inégal des différents droits de l’homme. Le Premier ministre a souligné la nécessité de reconnaître la valeur universelle de la liberté religieuse, dénonçant les persécutions qui touchent des millions de personnes, principalement des chrétiens. Sa critique de l’hypocrisie d’un système qui protège les droits de manière sélective constitue un appel à renforcer l’universalité des principes fondamentaux de l’ONU.

L’AFRIQUE, LA COOPERATION ET LE PLAN MATTEI

Ces dernières années, l’Italie a présenté un modèle de partenariat innovant avec l’Afrique, connu sous le nom de Plan Mattei. Cette initiative n’est pas conçue comme un outil d’exploitation des ressources, mais plutôt comme une plateforme de promotion du développement durable, de l’emploi et de la stabilité politique. Les collaborations avec l’Union africaine, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et les partenaires bilatéraux ont déjà débouché sur des projets concrets : de la lutte contre la désertification en Algérie au soutien des jeunes pousses technologiques, en passant par le renforcement des infrastructures de connectivité telles que le câble Blue Raman. Un chapitre particulièrement important concerne la question de la dette africaine. L’Italie a annoncé son intention de convertir plus de 235 millions d’euros en projets de développement, réduisant ainsi considérablement la dette des pays les plus vulnérables. Il s’agit d’un geste politique et économique, fondé sur les principes de justice et de dignité.

CRITIQUE DE L’ACCORD VERT

Le discours a également mis en lumière une réflexion critique sur les choix économiques et environnementaux de l’Occident. Le Premier ministre a mis en garde contre les risques d’une transition énergétique gérée avec une rigidité idéologique, susceptible de provoquer une désindustrialisation et une perte de compétitivité sans produire de bénéfices environnementaux proportionnels. L’erreur serait d’imposer aux citoyens des modèles de consommation et de production non durables, pénalisant en particulier les classes moyennes et les plus vulnérables. De même, l’ère de la mondialisation « fidéiste », dont les effets secondaires ont longtemps été sous-estimés, a été déclarée révolue. La nouvelle phase exige une approche plus équilibrée, capable de concilier ouverture et protection des intérêts nationaux, développement et justice sociale.

UNE CONTRIBUTION AU DÉBAT INTERNATIONAL

Le discours de Giorgia Meloni devant l’Assemblée générale des Nations unies représente une contribution importante au débat international sur la réforme de la gouvernance mondiale. Il met clairement en évidence le fait que l’ONU, fondée en 1945 dans le but de préserver la paix, est aujourd’hui confrontée à une crise de légitimité et d’efficacité. La proposition italienne, loin d’être un projet idéologique, se présente comme un appel au pragmatisme : des institutions plus transparentes et efficaces, des règles actualisées, une plus grande attention aux droits de l’homme dans leur globalité, un nouveau modèle de coopération avec l’Afrique et une politique économique internationale plus en phase avec les besoins réels des populations. Dans un monde en proie aux conflits, aux inégalités et aux défis globaux (des migrations au changement climatique), la réforme de l’ONU n’est pas une option, mais une nécessité. L’Italie, qui célèbre les soixante-dix ans de son adhésion à l’organisation, entend se positionner en tant que promoteur d’un multilatéralisme renouvelé, capable de faire face au présent et de construire un avenir plus juste et plus sûr.